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Il y a bientôt un an, je travaillais dans un salon de thé. J'ai adoré toutes les rencontres que j'y ai faite, des rencontres éphémères, parfois des rendez-vous hebdomadaires, des coups de vent. J'ai pu voir un tas de différentes personnes qui se ressemblaient dans le fond, c'était très riche et vivant.
Un jour un homme est venu. J'ai tout de suite aimé qui il était, son visage malicieux et son énergie créatrice. Il s'est installé au milieu de la salle, vide, rien que ce détail m'a fait sourire. Il a prit un café, avec du sucre, car les hommes prennent plus souvent du sucre avec leur café que les femmes, c'est étrange mais c'est quelque chose qui se remarque. Puis il a sorti son ordinateur et s'est mit à écrire.
J'ai commencé à me demander qui il pouvait être, ce qu'il pouvait écrire, aimé, pourquoi il se trouvait ici, en pleine semaine, dans un salon de thé pour prendre un café. Parmi toutes mes suppositions, il y en avait une de juste.
Cet homme est un cliché ambulant, quand j'y repense. Le regard et le sourire malicieux, des cheveux blancs en pétard comme un scientifique fou, un visage presque stéréotypé du professeur d'université en littérature, d'écrivain ou de scientifique. Je l'ai observé du coin de l'oeil tout l'après-midi, il ne cessait d'écrire, il a reprit un deuxième café.
Je pense qu'il a compris qu'il m'amusait. En fait, j'ai reconnu en lui plusieurs parties de moi et je pense qu'il a compris, qu'il a vu la même chose en moi, comme si on s'était reconnu. Je pense que c'est pour ça que nous étions malicieux, avec des sourires un peu idiots. Nous savions.
Lorsqu'il est parti, il a rangé son ordinateur, a payé et quitté le salon de thé en laissant des feuilles déchirées sur sa table, sa tasse et le sucrier presque vide. J'étais curieuse et c'est comme s'il avait comprit que je me posais un tas de question, alors il m'a donné la possibilité de trouver des réponses. Je voulais vérifier mes hypothèses. Alors j'ai glissé les feuilles déchirées dans la poche avant de mon tablier avec un naturel qui m'a moi-même surprise. Je culpabilisais un peu, après tout c'était peut-être des écrits qu'il ne voulait pas que qui que ce soit trouve, mais dans ce cas il ne les aurait pas laissé sur la table, même déchirés, non ? Puisqu'elles étaient là, c'était un peu pour moi, non ? On ne laisse pas son travail derrière soi avec si peu de flegme, si ? Peu importe, j'ai cherché des excuses pour me rassurer.
De retour chez moi je me suis emparée de scotch et j'ai commencé à recréer les pages, ce n'était pas bien compliqué, il y avait tout au plus neuf morceaux par feuille, déchirés grossièrement et les phrases me guidaient. J'ai donc reconstruit deux pages couvertes d'annotations qui interpellaient plusieurs passages du texte, qui rayaient des parties, en commentaient d'autres. Je me suis mise à lire. C'était un roman, probablement le début. Il était écrivain. j'étais trop forte ! Je n'avais aucun indice sur le titre de ce roman, alors je ne l'ai jamais trouvé, peut-être n'est-il même pas encore sorti. Dans tous les cas, j'ai été une nouvelle fois amusée. Ce que je lisais était un passage de deux personnages qui se chauffaient, on pouvait lire l'excitation du personnage principale et toute la malice - à l'image de son auteur - de la femme pleine d'audace qui semblait être une femme fatale.
Me rendre compte que pendant des heures il a été affairé à corriger ce passage alors que je me demandais qui il était, ce qu'il faisait, m'a amusé. Car il était auteur et était penché sur un passage chaud, assit en plein milieu de la salle, l'air concentré mais amusé avec ses yeux clairs rivés sur son écran, complètement parti dans son univers.
Alors ces deux pages, ce sont ajoutées à ma collection de trésor. Elles me rappellent cet homme, sa malice, ce que nous avons reconnu l'un en l'autre, l'audace.
C'est un des personnages qui m'a marqué, j'y ai repensé récemment et j'y pense régulièrement. Il y en a d'autres et je me rends compte que travailler dans un café, c'est un peu comme lire un roman toute la journée, comme regarder une série sur différents protagonistes. Je pense que c'est pour cela que j'aime ce travail. C'est un job hyper riche pour les personnes créatives, pour celles qui aiment observer les gens, imaginer leurs vies.
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